Faire des ricochets dans l'eau...
Faire des ricochets avec une pierre, dans l'eau, c'est bien.
Faire des ricochets avec de la glace dans l'eau, c'est deja plus original.
Faire des ricochets avec de la glace sur des iceberg, au pied d'un glacier, voila un peu de nouveaute!
Depuis les departs, dans l'ordre, de Fabecc qui est parti directement vers le sud depuis Chiloe au Chili, puis de Steph, Maryse et Damien au retour a Santiago (on les a remis dans l'avion, mais on ne les a pas laisses partir comme ca: on a tous surfe un peu sur les vagues du Pacifique, histoire de bien marquer les esprits une derniere fois ;-), on s'est meme separe avec Pierre, qui retourne au Pays faire un check-up complet, changement de pieces defectueuses et rodage de la nouvelle machine avant d'avoir le droit de refaire des folies de son corps.
Je me retrouve donc seul pour affronter le bout du monde: Magallanes, Patagonie et autre Terre de Feu... Que de noms mythiques qui font rever depuis l'enfance... et les emissions du petit chevelu qui crachait dans son micro: "chhhh... ici... crrr... Nic-crrr-ulot en direct... chhh... d'Ushuaia..."
Premier objectif: Le parc National de Torres del Paine (litteralement: les tours du Paine - attention: prononcer "Païné", et pas Pèné, comme j'ai deja entendu des francais dire, parce que la, en espagnol, ca devient "les tours du penis"). C'est magique. J'arrive en traversant les Andes du sud, puis la Pampa argentine...
J'entre dans le reve. D'immenses etendues d'herbes jaunies, de rares petites collines. En guise d'arbres, quelques troncs presques tous sans feuilles, desseches, replies sur eux memes dans tous les sens, tortures par les vents d'une force inouie (ici, avoisiner les 100 km/h, c'est juste pour recoiffer les moutons avant la tonte), tels des bonzais geants... morts. Pour terminer le tableau, une difficile marche dans ces etendue quasi-desertiques permet de fixer les choses: le vent facilite la marche dans un sens, mais assure une belle lutte pour le retour, la decouverte de quelques ossements, dont un crane de betail, ajoute a l'impression d'atteindre un point extreme. Petit detail pour finir: je savais qu'il ne fallait pas pisser contre le vent, ca s'apprend assez tot dans la vie d'un garcon. Par contre, j'ignorais que dans certains endroits, il ne fallait pas pisser du tout! De face ou pas, le vent est le maitre, un point c'est tout. (Bien sur, cette anecdote est donnee a titre de fiction et n'a aucun rapport avec des evenements reels et/ou des personnages existants)
Puis c'est le Parc de Torres del Paine. Je loue une tente et je pars a l'aventure dans le massif montagneux qui, par ailleurs, n'a aucun lien avec les Andes, aussi proches soient-ils. Au terme de chaque randonnee, ou la denivelation est au rendez-vous, des decouvertes ponctuent la joie des randonnees dans un si beau decor.
- Les fameuses tours du Paine, pitons rocheux culminants jusqu'a plus de 2800m, faits de roches alliant le noir au blanc, en passsant par de l'orange et du rose qui donnent au paysage des allures de tableau, avec la lumiere du soleil couchant, d'innombrables ruisseaux et torrents devalent les parois abruptes et se jettent dans un grand lac, aux pieds des tours, plus de 1000m plus bas. (note: conformement a la technique de Fabecc qui a fait ses preuves, ces photo ne sont -evidemment- pas de moi, mais ca vous donne une petite idee de quoi je parle...)
- La vallee francaise, ma preferee (sans chauvinisme), ou l'on passe le plus clair de la randonnee a traverser des forets de coniferes, des cours d'eau en admirant les nombreuses chutes et cascades, tout en decouvrant au fur et a mesure les cimes enneigees apres chaque passage difficile, l'impressionnant glacier qui fait face, avec ses terribles craquements, tels des grondements de tonnerre entendus de tres, tres pres, avec les spectaculaires chutes de pans entiers de glaciers dans la vallee qu'il surplombe (et c'est la que, finalement, on est content de ne pas etre encore plus pres, sur l'autre versant de la vallee, une fois qu'on a realise qu'il n'y a en fait pas de tonnerre annoncant un orage, mais des tonnes de glace qui s'effondrent, emportant tout sur leur passage...), le chemin debouchant sur une sorte de cirque, avec une zone rocheuse legerement surelevee, telle un promontoire, d'ou l'on a une vue panoramique sur les cimes qui nous encerclent, ensemble de cimes enneigees, de pics rocheux, de glaciers plus ou moins importants, les ombres, les couleurs et les cours d'eau dessinant les flancs... On reste la, bouche bee, epoustoufle par les dieux de la nature qui nous entourent.
- Le glacier Grey. Une belle marche le long de nombreux lacs, debouchant sur le lac Grey (c'est le nom d'un type, pas la couleur du lac). La, on commence a apercevoir des icebergs, le fond de l'air se rafraichit, puis on debouche sur le glacier Grey, qui se jette dans le lac. Beaucoup plus calme que sont voisin de la vallee francaise, le bruyant glacier francais, on peut l'approcher de plus pres et admirer ses reflets dans l'eau et les degrades de bleu sur la glace. C'est beau...
Une petite pause dans la ville de Punta Arenas pour aller marcher au mileu des manchots, et c'est le depart pour Ushuaia. Je repasse une fois de plus la frontiere Chili-Argentine (je ne compte plus le nombre de tampons chiliens et argentins qui remplissent mon passeport...) et je traverse une premiere fois le detroit de Magellan. J'ai la chance de me faire escorter par des dauphins et quelques baleines. On ne peut pas rever meilleur accueil. Le trajet en Terre de Feu devient plus chaotique: les morceaux de routes goudronnees se font rares et on commence a "manger de la poussiere" dans le bus.
La ville d'Ushuaia n'a rien de particulier en elle-meme, si ce n'est que je ne m'attendais pas a trouver une ville aussi grande (env. 60.000 hab.). En fait, elle n'est pas a proprement parler "grande", mais j'avais naïvement en tete l'image d'un genre de "village du bout du monde". Autre idee recu qui a vole en eclat: si comme moi, vous imaginiez une tere plate et desolee qui allait se jetter dans l'eau gelee, et bien c'est tout faux (l'eau glacee mise a part). L'originalite et la magie du lieu reside dans le paysage: coincee entre l'extremite des Andes et la mer, ce sont en fait les montagnes qui se jettent dans la mer, la ville etant posee sur le bord, avec la pente de rigueur a flanc de montagne. D'un cote, le bout du monde, de l'autre, des sommets d'environs 1500m de haut et les quelques forets de la region qui bordent les Andes. A l'occasion de quelques courtes randonnees (dans un parc national, mais aussi juste derriere la ville, en grimpant un peu), on peut acceder a des points de vues panoramiques superbes qui marquent bien le contraste du lieu.
L'autre chose fascinante a Ushuaia, c'est l'esprit qui y regne. Est-ce le sentiment d'ariver au bout du monde, ou simplement parce que beaucoup de voyageurs commencent ou finissent leur voyage ici, ou peut-etre le jour qui n'en finit pas (coucher du soleil entre 21h30 et 23h, tombee de la nuit entre 23h et 23h30, meme si la nuit ne parait jamais vraiment tombee, ici, en ete), mais on a l'impression que le temps s'ecoule differemment, qu'il est presque arrete. On prend plaisir a etre la, profiter du coucher de soleil qui n'en fini pas, avec des nuances se renouvelant pendant presque 2 heures! On reste plus longtemps que prevu, on oublie presque ce qui etait prevu ensuite. On y croise des gens tres sympathiques, qui attendent un bateau, un bus, ou simplement qui "restent un peu ici". En somme, il ne s'agit pas de partir d'Ushuaia, mais bel et bien de s'en arracher.
Je "m'arrache" donc a cette terre ou le temps est suspendu, avec une etrange tristesse dans le coeur. Symbole de cette melancolie, un unique dauphin se montre timidement, de loin, pour saluer le passage du ferry sur lequel je re-traverse le detroit de Magellan. Je passe egalement la frontiere Argentine-Chili, puis la frontiere Chili-Argentine (4 tampons en plus...), puis j'atteins mon objectif: El Calafate, ultime etape "nature" (visites de glaciers et de parc naturel ornithologique) avant de rejoindre, en a peine plus de 40 heures de bus, Buenos Aires, ou je compte bien me poser quelques semaines. je ne prendrai le bus que demain, je trepigne d'impatience de retrouver mon seul "chez moi" fidele: un bon vieux siege de bus...
Mise au point:
Non, je ne suis pas assez bete pour pisser dehors avec un vent de 90 km/h!
Non, je ne suis pas inconscient au point de faire l'equivalent de 2
journee de rando chaque jour, dont une partie avec un sac surcharge d'une
tente et de provisions pour les jours a venir, alors que j'ai un genou en
sursi, juste parce que "ca doit etre plus joli la-bas" et que "je suis sur,ca peut rentrer"!
Non, je ne suis pas assez idiot pour monter sur un promontoire, en face d'une multitude d'iles formees par les icebergs, et hurler "Atoll, les opticiens"!
Non, je ne suis pas stupide au point d'essayer de faire des ricochets avec de la glace sur des iceberg, au pied d'un glacier!
Ou alors, juste une fois...